Songe sur les Ouyoukas

Anna a fait ce rêve à l'Auberge des Voyageurs, la première nuit de son arrivée...

Extrait:

"J’étais entourée d’une plaine aride et désertique. Je me demandai ce que je faisais là, au beau milieu de nulle part. Je me tournai et me retournai pour voir si je voyais quelqu’un ou un chemin qui me donnerait au moins une indication, mais rien. À perte de vue, en toutes directions, se dressait devant moi ce paysage lunaire. Comment avais-je bien pu arriver ici ? Je n’en avais pas la moindre idée. Lorsque je me décidai enfin à emprunter une direction, je ne pus plus avancer. Mes pieds étaient comme scellés dans la terre, enracinés. Je m’accroupis pour tenter de me débarrasser de mes liens, mais rien ne bougea. Je me redressai, non sans prononcer quelques jurons. La vue de cet homme étrange m’effraya d’abord, puis me soulagea. Il m’observait, dubitatif. Il ressemblait à un indigène. Une peau de bête cachait ses parties intimes, alors que son torse était recouvert de colliers multicolores. Je connaissais ces pierres, car j’en portais une, moi aussi. Je cherchai le collier d’Hugo à la hâte et le serrai fort. Les cheveux de l’indigène, noir de jais et coupés au bol, restèrent figés lorsque le vent souffla. Il se tenait telle une statue. Je regardai autour de moi pour voir s’il était seul. Il n’y avait que lui et moi au milieu de ce paysage apocalyptique. Il portait à la ceinture une petite machette qui ne me rassura guère. Prenant mon courage à deux mains, je rompis le silence.
– Bonjour, je me nomme Anna… Je n’ai aucune idée de la façon dont je suis arrivée ici ni du pourquoi de ces entraves… Pourriez-vous m’aider ? 
L’indigène me regarda d’un air interrogateur. Il me sourit enfin, accentuant par ce geste les rides de son visage. Il devait être âgé d’une soixantaine d’années. Il ne montrait aucun signe d’hostilité, ce qui me rassura quelque peu.  
– Êtes-vous venue nous porter secours ? demanda-t-il sur un ton réjoui.
– Non, vous ne m’avez pas comprise. C’est moi qui vous demande de l’aide… pour mes liens, rétorquai-je en lui montrant mes pieds.
– Vous n’avez nul besoin d’aide, reprit-il en me regardant. 
Mes pieds étaient effectivement déliés. Plus aucune attache. Je n’y comprenais plus rien. 
– Il y a une minute de cela, des liens me retenaient au sol…
– Je m’appelle Piknou, je suis le chef de la tribu Ouyouka, êtes-vous venue rompre le maléfice ?
– Euh… non. Je ne pratique pas la magie et je ne sais pas de quel maléfice vous parlez, lui dis-je doucement.
– Nous avons déjà perdu beaucoup des nôtres, répondit-il tristement.
Il releva la tête et me sembla plus âgé à présent. Il pointa son index vers ma droite. Je le suivis du regard. Trois enfants se tenaient blottis les uns contre les autres, comme pour se soutenir. Ils étaient magnifiques. Leur peau était mate, leurs yeux très noirs. Leurs joues potelées me rappelèrent celles des chérubins bibliques. Le plus frêle d’entre eux semblait aussi être le plus jeune. Il ne devait pas avoir plus de deux ans. Il me sourit. Je leur fis signe de la main et leur envoyai un baiser. 
– Ils sont magnifiques, admis-je en me tournant vers l’indigène.
Je fus terrassée de stupeur. Le vieil homme était à présent un vieillard, qui maigrissait à vue d’œil. Reculant devant cette horrible vision, je me pris les pieds dans ma robe et je tombai en arrière, heurtant lourdement le sol.  
– Ce sont nos derniers enfants. Notre dernier espoir. 
Me retournant vers les enfants, je me mis à hurler. Ils étaient totalement décharnés, maigres, affaiblis. Ils tendaient leurs petites mains vers moi comme un appel au secours. Leurs regards étaient implorants.
– Non, NON ! hurlai-je à mesure qu’ils maigrissaient, mais que vous arrive-t-il ?

–Nous mourons… admis le vieillard, aidez-nous ! Nous vous prêtons allégeance, venez nous secourir. Protégez nos derniers enfants ! implorait le vieil homme à bout de souffle.
– Comment ? Comment ? haletai-je, prise de panique.
– Prononcez la formule !
– Laquelle ? Je n’en connais aucune ! criai-je. Laquelle ?
Le vieillard baissa la tête, s’agenouilla et prononça dans un dernier souffle :
– Je vous en supplie… les enfants…
Il s’effondra. Je courus vers les enfants, couchés les uns contre les autres. Lorsque j’arrivai à leur hauteur, ils disparurent."




Merci eileen-wong-hAg2Dw2bDoU-unsplash

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